Une illustration de l'écoute active


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Extrait de « toute une vie pour la chanson » Sève interroge Georges Brassens. Le Centurion, Paris 1975.

Georges Brassens : "Tu sais, à force de réciter des poèmes en classe, et d'écouter des chansons, on voit à peu près comment ça se fabrique".

André Sève : "Mais tu as travaillé la versification ?"

G.B. : "La plupart de ceux qui écrivent les chansons n'ont pas étudié la versification. On est fait pour écrire des chansons ou on n'est pas fait pour çà. Si on est fait pour çà, on n'a pas tellement besoin d'apprendre les règles".
A.S. : "Toi, tu les as apprises ?"
G.B. : "Oui, plus tard, parce que je raffinais un peu, mais…"
A.S. : "Tu en as conservé de tes premières chansons ?"
G.B. : "Non. On peut écrire des chansons sans ... tu ne m'écoutes pas ?"
A.S. : "Non, c'est parce que…"
G.B. : "Tu suis ta pensée, je sens çà. Tu viens ici avec des idées préconçues et tu veux toujours suivre ton chemin, pas le mien. Quand j'avance quelque part sur une idée, il faut me laisser partir et tu m'arrêtes. Là, j'aurais pu dire des choses mieux. Mais il faut le temps pour que çà vienne."
A.S. : "On y reviendra".
G.B. : "Il ne faut même pas dire qu'on y reviendra. Il faut qu'on continue de parler, sans que tu t'occupes des questions que tu as fabriquées ou que toi, tu veux suivre. Veux-tu Brassens, ou veux-tu fabriquer Brassens ? Si tu suis ton idée, tu perds ce que moi, en suivant ce qui me venait. J'allais te dire"
A.S. "Les spécialistes n'ont pas su m'ouvrir à tes musiques, ni même à tes textes".

G.B. : "C'est parce que toi, tu ne t'ouvres que si tu veux. Depuis que tu me questionnes, je le vois bien. Quand je t'explique quelque chose qui ne coïncide pas avec ce que tu voulais que je te dise, tu détournes la conversation".
A.S. : "Moins maintenant ? Depuis trois jours d'écoute".
G.B. : "D'écoute, si on veut. Non, tu attends, tu attends, et quand ça coïncide avec ce que tu attends, pof, ça fait tilt, tu me regardes d'une façon vivante, tu es ouvert. Mais quand çà ne coïncide pas, je vois ton visage sans vie, je te surveille, tu sais, j'en apprends beaucoup sur toi en observant ton comportement d'interviewer. Tu arrives ici avec un Brassens entièrement préfabriqué dans ta petite tête et tu veux me faire entrer là dedans. La seule chose qui t'intéresse, c'est de me faire dire ce que, d'après toi, Brassens doit dire, ce que Brassens doit être. Tu pourrais avoir le vrai Brassens, et en tout cas un Brassens inattendu. Mais tu t'es préparé au Brassens que tu veux. On attend toujours les êtres comme on les veut, on n'est pas prêt à la surprise".